CHUM KIU

Traduction et adaptation du texte de Randy Williams par Brice AMIOT pour le CRCA France.

La seconde forme, ou KUEN, du Wing Chun est appelée CHUM KIU, qui se traduit par « rechercher le pont ». Le terme Pont (KIU) se réfère ici à l’avant bras d’un adversaire car c’est un chemin que vous devez emprunter afin de l’atteindre. Ainsi, le nom CHUM KIU décrit l’idée qui est vue et cachée derrière un grand nombre de techniques dans cette forme : illustrer un grand éventail de situations dans lesquelles l’avant-bras du combattant de Wing Chun pourrait venir au contact de celui de son adversaire. Produire ce type de contact entre les avant-bras se nomme « établir le pont (Bridging) » et l’utilisation d’un piège ou d’une autre manipulation de l’avant-bras de l’adversaire est connue comme « marcher sur le Pont ». Beaucoup des proverbes du Wing Chun se rapportant à la forme CHUM KIU utilisent le terme « KIU » lorsqu’ils décrivent différentes manières d’attaquer ou de défendre qui, (y compris) avec le nom même de la forme, devraient donner au lecteur plusieurs significations de ce terme.

Dans la première partie de la forme CHUM KIU, l’élève est instruit aux mécanismes basiques du pivot de la position CHOH MA et ses applications en combinaison avec les mouvements de blocage et de frappe appris au niveau SIU LEEM TAU. Dans la partie II de la forme, on montre à l’élève comment les mêmes mouvements de blocage et de frappe peuvent être combinés avec le déplacement TOH MA (pas poussant/glissé). Par exemple, le BOANG SAU (la déviation du bras en aile) et le WOO SAU (la main de garde/de protection) sont introduit individuellement à partir d’une position fixe dans un souci de perfectionnement dans la forme SIU LEEM TAU mais sont combinés ensemble au mouvement 22 de la partie I avec le déplacement CHOH MA. Au mouvement 57 de la partie II, la même combinaison de BOANG et WOO apparaît avec le déplacement TOH MA. Ces deux mouvements illustrent le principe que chaque technique de main du Wing Chun peut être combinée avec une autre technique de main simultanée et avec n’importe quel déplacement (MA BOH) pour soutenir la nouvelle structure complexe. De cette manière, les techniques du Wing Chun peuvent être dites « modulables » dans le sens où elles peuvent être « connectées » d’une infinie variété de façons.

La mobilité ajoutée des déplacements de position de CHUM KIU introduit également l’élève aux concepts de Référence  et de structure YUM/YEUNG  (le point de concentration inhérent et l’équilibre d’un mouvement) aussi bien qu’elle amène l’élève à être conscient de sa position par rapport à un adversaire au lieu que de ne prêter attention qu’à sa structure personnelle comme il le fait au niveau SIU LEEM TAU. En d’autres mots, la structure appliquée entre en jeu lorsque l’élève commence à apprendre comment les mouvement qu’il a perfectionné au premier niveau sont utilisés en combat réel.

Bon nombre de techniques trouvées dans la forme CHUM KIU sont conçues pour l’attaque et la défense à distance moyenne. Les coups de pieds sont également introduit durant cette phase de développement et avec eux, le principe de la défense de main/attaque de jambe simultanées. L’élève commence aussi l’étude des verrouillages articulaires (clés), le concept de ce qui est caché dans le mouvement CHUM KIU (un homophone en Chinois pour le nom de la forme mais qui signifie « couler le pont »). Les attaques de coude apparaissent sous différentes formes dont quelques uns peuvent être utilisés en défense avec un efficacité égale. En fait, la plupart des techniques du Wing Chun, bien qu’elles fonctionnent au premier abord en tant que blocage ou frappe, peuvent être utilisées des deux façons en fonction des circonstances. Par exemple, le principe de BOANG SAU comme illustré dans la seconde forme et qui est généralement imaginé comme étant un blocage (et qui sert en fait cette fonction la plupart du temps) peut également être interprété comme un coup de poing « undercut » vers le bas ou un piège d’épaule/une poussée de la paume à la mâchoire simultanés qui pourrait casser le cou de l’adversaire.

Au niveau CHUM KIU, l’élève apprend également davantage de la Théorie de la Ligne Centrale, des concepts de Pyramide (GUM TOP LAY) et de l’utilisation des lignes Mère horizontales de niveau de mains et de genoux. Il (ou elle) devient plus conscient de la ligne centrale et de ses implications sur le Structure et la Référence de deux combattants. A travers de nombreux exercices tels que LOP SAU, FON SAU et MUN SAU exécutés avec des déplacements variés, l’élève apprend à utiliser cette ligne de manière stratégique pour attaquer et défendre aussi bien que pour regagner la « ligne centrale intérieure » lorsque l’adversaire est en position d’avantage. Ces exercices développent aussi l’instinct de l’élève et sa capacité à utiliser le positionnement du corps afin d’exécuter des leviers qui supporterons la structure des mains. C’est ce qui est signifié par « YEE YING BOH SAU », un autre proverbe du Wing Chun souvent utilisé.

Une autre zone développée au niveau CHUM KIU est la science du timing : le self-timing et le timing appliqué. L’exercice LOP SAU,  enseigné à ce niveau, améliore le timing des mains travaillant simultanément mais indépendamment tandis qu’il développe un mouvement roulé dans la technique de l’élève. Le timing de nos propres mouvements du corps et , à son tour, le timing de ces mouvements en relation avec ceux de l’adversaire, est vital au succès de chaque technique, quelque soit sa vitesse ou sa puissance, cette technique ne pourra pas réussir si elle est exécutée trop tôt ou trop tard. L’art du timing est de reconnaître ce que signifie « trop tôt » et « trop tard » et d’agir au laps de temps correct avec la vitesse correcte afin « d’emprunter la force ».

L’exercice LOP SAU introduit également le concept du piégeage : l’utilisation des mains, des jambes, du corps et, à un niveau très avancé, l’esprit pour immobiliser temporairement une partie ou tout le corps de l’adversaire, créant une zone de sécurité à partir de laquelle on peut le frapper.

Une autre qualité importante aiguisée à ce niveau est connue sous le nom de « Body Unity » (unité corporelle), la capacité à créer un surplus de vitesse et de puissance à travers un claquement précisément synchronisé de toute les articulations du corps dans un mouvement fluide. L’unité corporelle permet au potentiel maximum de puissance d’être réalisé en employant le plus possible les « snap » (claquements), le fouet, le pivot, le « pushoff » (terme employé pour décrire le premier pas d’un déplacement), la rotation, la vrille et la poussée pour créer une puissance combinée pouvant être comparée à la puissance de serrage de plusieurs engrenages de différentes tailles et qui éventuellement, à travers l’utilisation d’une transversale, génère une puissance de serrage finale concentrée dans une direction totalement différente de l’un de ces composants individuels.

Tout au long de la forme CHUM KIU, les yeux doivent suivre rapidement et se concentrer sur la ligne centrale qui change rapidement d’un point à un autre comme la Référence de l’élève, par rapport à un adversaire imaginaire, change d’un mouvement au suivant. Ce mouvement rapide et cette brusque concentration des yeux développent une forme d’énergie visuelle appelée « MOKE LICK » (puissance des yeux) qui ne permet pas seulement un ajustement visuel rapide après un pas ou un pivot, mais reflète également la  puissance interne à travers le brillant éclat qu’elle produit dans les yeux. Comme l’établit le 8ème des  17 « devoirs » du Wing Chun, « NGON SUN YIU GAU » qui signifie « la concentration et la puissance de l’œil doivent être tranchantes ». Et l’étudiant de CHUM KIU apprend cela en gardant la tête en mouvements subtils. Il peut beaucoup plus facilement se concentrer sur de objets se déplaçant rapidement, un peu comme s’il essayait de lire une enseigne sur un train qui passe : si la tête et les yeux sont tenus immobiles, tout ce que vous verrez sera une tache floue. Mais si vous bougez la tête et les yeux, vous pouvez facilement vous concentrer sur l’enseigne et voir ce qui est écrit.

Comme on le voit, la forme CHUM KIU contient beaucoup de concepts et principes importants, lesquels combinent les « idées » et les techniques du SIU LEEM TAU avec la mobilité du jeu de jambe (déplacements) MA BOH de multiple façons d’une manière qui ressemble beaucoup plus intimement au combat réel. Alors que ces nouvelles idées sont maîtrisées et les compétences de CHUM KIU aiguisées à travers la forme, les exercices et la pratique des mains collantes, l’élève en Wing Chun comprendra davantage l’importance de « chercher le pont ».